Lorsque j’ai commencé à réfléchir à ce que j’allais partager avec vous aujourd’hui, j’ai tout de suite pensé à un article que j’avais écrit l’été dernier et que j’avais envie d’étoffer pour vous.

En effet, je sais que vous êtes ici pour ouvrir encore plus grand votre coeur à l’amour, que vous brûlez de mettre votre vie au service de cette dimension, que vous vous demandez parfois comment l’incarner encore plus…

 

Avant de de creuser un peu plus le comment, je pense qu’il convient d’abord de définir davantage de quoi on parle ici. Qu’est-ce que l’on veut vraiment dire quand on emploie des expressions comme « ouverture du coeur », ou bien « regarder les choses avec les yeux de l’amour », ou encore « envoyer de la lumière et de l’amour » à quelqu’un ?

Parce qu’à mon avis, cette histoire d’amour engendre bien des incompréhensions, elle est même la porte ouverte à bien des déviances, tout simplement parce qu’on ne parle pas de la même chose !

Etre dans l’ouverture du coeur ne veut pas dire que l’on « sent bien » les choses. Il ne faut pas oublier que les émotions et les sensations sont directement liées au mental, dont le rôle est d’analyser, de comprendre, de qualifier et de quantifier donc de séparer. Lorsque je prends une décision sur base de « je le sens bien », cela ne veut pas dire que je prends une décision du coeur, cela veut simplement dire qu’en faisant cela, je suis en accord avec mon système de croyances. Qui est plus ou moins harmonieux, plus ou moins aligné sur le plan divin. De nombreuses personnes dans le développement personnel opposent le coeur au mental. Mais il n’y a pas une « sensation de la tête » et une « sensation du coeur ». Les deux sont en réalité étroitement imbriqués. Parfois mon mental prend des décisions avec le coeur, avec l’amour, dans l’unité. Et parfois il prend des décisions avec mon ego blessé qui a peur de sortir de sa blessure et préfère continuer à l’alimenter, même si c’est peu confortable. C’est douloureux, mais c’est connu, alors c’est rassurant. Mais il arrive parfois aussi que ce que je crois être mon coeur me joue des tours. C’est lorsque je crois faire quelque chose pour quelqu’un sans attente et de manière désintéressée mais que ce n’est pas vrai. Généralement on croit être sincère sur le moment. Mais si on se retrouve à dire « après tout ce que je fais pour lui, il ne s’en sort toujours pas » ou bien « après tout ce que j’ai fait pour elle, voilà comment elle me remercie », c’est qu’on avait subconsciemment un projet sur l’autre.

 

 

Etre dans l’ouverture du coeur n’a pas grand chose non plus à voir avec un truc du genre « tout le monde il est beau tout le monde il est gentil ». L’amour n’est pas quelque chose de béat, il demande aussi du discernement, de l’acceptation, de la compréhension, du choix, du libre-arbitre. En d’autres termes, de la conscience. Il y a des êtres si blessés qu’ils ne sont pas prêts à recevoir. Il y a des êtres si souffrants qu’ils pourront même retourner leur violence contre vous. C’est le sens de l’évangile de Matthieu, chapitre 7, verset 6 : “Ne donnez pas de choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles aux pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds, ne se retournent et ne vous déchirent ».

Donner sans conscience n’est pas donner. Donner en s’oubliant, parce qu’on nous a appris que c’est comme ça qu’il fallait faire, parce que « ce n’est pas toi qui est important, c’est l’autre », ce n’est pas donner. Donner véritablement, c’est donner en connexion profonde avec son coeur, de donner parce qu’on sait que c’est ça que l’on doit faire ici et maintenant. La nuance peut paraître subtile, mais c’est ce qui fait que dans le premier cas on passe à côté de sa vie et que dans le second, on la remplit de ce qui est réellement essentiel à nos yeux.

 

Pour terminer ce premier tour d’horizon de ce que n’est pas « faire les choses avec le coeur », permettez-moi juste une ligne sur l’ego spirituel : « moi j’ai le coeur ouvert, je suis dans le club des gentils parce que je fais de la méditation ». No comment.

Pour nous aider à sortir du paradigme d’un mot, il est souvent utile de regarder ce que l’on dit dans d’autres langues. Et ça tombe bien parce que quand il s’agit d’amour, le grec est d’une aide très précieuse : il existe des tas de mots en grec qui nous aident à différencier les formes d’amour et cela va nous aider à savoir de quoi on parle.

 

 

Il y a l’amour-appréciation, qu’on appelle philia en grec. C’est le lien d’amitié, le lien social. C’est ce que l’on apprécie chez un autre parce qu’on se sent bien avec lui, parce que ses valeurs rencontrent les miennes, etc.

Il y l’eros, qui est le désir. Désir de l’autre, souvent teinté de possession au sens où le désir de l’autre va me permettre d’assouvir ce que je désire pour moi. C’est pour cela aussi que dans l’eros, on souhaite que l’autre corresponde et réponde à nos attentes. Il est donc souvent synonyme de dépendance et de condition : je vais faire ce que tu attends de moi en échange de recevoir ce que j’attends de toi. C’est aussi ce que l’on peut appeler l’amour conditionnel, qui n’est pas uniquement lié au partenariat amoureux mais peut affecter les relations parents-enfants : je t’aime si tu es sage, si tu es poli, si tu as des bonnes notes, si tu es gentil…

Il y a enfin l’agape, qui est le mot grec pour l’amour « divin » et « inconditionnel » par opposition à l’amour conditionnel dont je viens de parler. Les philosophes grecs du temps de Platon l’utilisaient dans un sens supposé universel, c’est-à-dire opposé à un amour personnel. C’est aussi le mot employé tout au long du Nouveau Testament (rédigé en grec par ses différents auteurs), pour la qualité d’amour totalement désintéressé dont Dieu seul est capable, mais qu’il propose de donner à ses disciples par le Saint-Esprit. Voici la définition qu’en donne Jean-Yves Leloup dans son ouvrage L’échelle des états amoureux : « l’amour qui fait tourner la terre, le coeur humain et les étoiles, c’est l’Amour qui aime en moi ». J’ai envie de rajouter « c’est l’amour qui aime à travers moi ». Je suis d’ailleurs intriguée par cette expression « c’est l’amour qui fait tourner le coeur humain », comme s’il n’y avait qu’un seul coeur humain, commun à tous. Intriguée car c’est exactement la définition que je donne à l’Esprit, c’est à dire à cette dimension spirituelle qui nous unit tous, humains, animaux, végétaux, minéraux…

On pourrait même dire que cet agape, c’est l’Amour qui aime à travers moi. Cette notion d’amour qui transcende tout me fait penser à la « petite voie » qu’a expérimenté Thérèse de Lisieux. Thérèse nous dit avec toute la candeur de sa jeunesse et sa délicieuse humilité qu’elle ambitionnait de devenir une grande sainte, mais qu’elle voyait bien que plus elle avançait, moins elle y parvenait avec sa volonté. Elle se désole de ne pouvoir aimer certaines de ses soeurs carmélites et confie sa peine à Dieu. C’est alors qu’elle découvre qu’elle n’est pas obligée de les aimer avec ses sentiments à elle, mais simplement de laisser l’amour agir à travers elle, de laisser cette force la traverser et atteindre celles qu’elles ne parvient pas à apprécier. On voit encore ici qu’avec l’amour « agape », il ne s’agit pas d’un sentiment, d’une émotion, d’une appréciation, mais bien de cette force qu’est Dieu, cette force qui est « au-delà ». Et Thérèse devient capable alors d’aller passer du temps avec ses soeurs les plus acariâtres, dans la véritable ouverture du coeur.

 

Toujours dans son Echelle des états amoureux, Jean-Yves Leloup parle d’une autre notion d’amour : « charis », l’amour célébration, qui est traduit en français pas « grâce ». Charis désigne pour lui la pure joie d’aimer, c’est ce que l’on ressent quand on dit quelque chose comme « je t’aime parce que je t’aime ». C’est l’amour joyeux, l’amour qui ne se pose pas de question, l’amour de l’enfant qui s’élance dans la vie. L’amour-émerveillement, l’amour-instant présent, l’amour qui est là, sans raison, sans explication. La grâce.

Pour moi, quand on parle d’être d’amour, il s’agit d’un être aimant avec ces deux qualités d’amour : agape et charis. Regarder la vie avec les yeux de l’amour, ou avec les yeux du coeur, c’est regarder la vie avec un mélange de charis et d’agape. Ouvrir son coeur à la vie, c’est vivre en charis et agape.

 

 

C’est à la fois être canal et représentant de la Source, de cette force d’amour qu’est Dieu. C’est sentir ce que la vie cherche à manifester à travers nous, ce qui nous met en joie, ce qui nous donne de l’élan. Et le faire. Le faire dans la présence, dans la conscience et s’arrêter dès que la joie n’est plus là. C’est aussi aller beaucoup plus loin : c’est aller à la rencontre de son essence. Pas uniquement de « qui l’on est vraiment » au sens de connaître, respecter, exprimer sa personnalité. Aller à la rencontre de « ce que l’on est vraiment ». Et le vivre, l’expérimenter. Contacter et exprimer qui l’on est en tant que spécimen d’humanité, mais aussi ce que l’on est en tant qu’humain, toucher du doigt ce qu’est l’humanité.

Pour terminer sur cette tentative de définir ce qu’est l’ouverture du coeur, je voudrais vous dire quelque chose de très important. Charis et agape s’appliquent à l’ensemble de la vie, vous y compris.

Cela veut dire que vous ne devez pas faire les choses pour l’autre avant de faire les choses pour vous. Quand vous faites passer l’autre avant vous, avant vos propres besoins, de telle sorte qu’il n’en reste pas assez pour vous (pas assez de temps, pas assez d’énergie, pas assez d’argent…), vous n’êtes pas dans l’amour parce que vous ne vous aimez pas suffisamment et vous ne vous respectez pas. Charis et agape s’appliquent à l’ensemble de la vie, vous y compris. Lorsque vous croyez que vous êtes dans le « faire par amour » parce que vous êtes doué pour un truc, parce que vous le faites bien, et donc que vous trouvez ça normal d’apporter cette valeur ajoutée au monde, mais que vous négligez de le faire aussi par amour pour vous, vous vous trompez. Encore une fois, charis et agape s’appliquent à l’ensemble de la vie, vous y compris.

 

Pour vous aider à vivre en Charis et Agape, je vous ai préparé une méditation, que j’ai le grand plaisir de vous offrir ici et maintenant.

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