Parfois, une petite histoire est plus parlante qu’un article argumenté. En voici une particulièrement savoureuse.

 

 

Il était une fois, il y a très longtemps, un royaume qui traversait des temps difficiles. Une forte baisse de la nappe phréatique avait asséché tous les puits. Non seulement les gens avaient soif et déprimaient, mais en plus ils empestaient et on ne voyait plus un seul bouquet de fleurs coupées dans tout le pays. Les montagnes voisines abritaient pourtant un vaste lac dont l’eau pure aurait pu irriguer facilement la plaine frappée par la sécheresse, mais le seul moyen d’y accéder était un sentier extrêmement étroit et dangereux et gardé par la vieille harpie la plus laide et la moins coopérative du monde.

 

 

Ses pouvoirs magiques et sa puissance destructrice étaient si grands que seul le meilleur guerrier pouvait envisager de tenter de la défier. Le vieux Roi rassemblé donc ses plus vaillants chevaliers et envoya le plus courageux et le plus fort dans la montagne. Ce dernier arriva bientôt à l’endroit où la vieille sorcière montait la garde. Il descendit de cheval et se retrouva soudain face à la créature la plus hideuse et la plus effrayante qu’il ait jamais vue. Elle avait d’énormes verrues sur le nez, de longs poils gris sur le menton et son haleine empestait comme celle d’un millier de chiens malades. En outre, la crasse, le pus et des traces de fluides corporels que la décence impose de taire, recouvraient toutes les parties visibles de son corps.

 

– Si tu souhaites passer, tu dois m’embrasser ! grinça-t-telle d’un ton menaçant, une lueur démente dans les yeux.

– Point ne te baiserai, vieille harpie, écarte-toi et cède-moi le passage ! répondit vaillamment mais stupidement le courageux chevalier.

 

Au moment où il allait dégainer son imposante épée pour tuer la sorcière, celle-ci le pétrifia du regard, l’attrapa par les épaules et le jeta hors du sentier, dans le profond ravin où il alla s’écraser sur les rochers et périr.

 

Voyant qu’il ne revenait pas, le Roi envoya son deuxième meilleur chevalier, qui connut exactement le même sort, puis un troisième. Ne le voyant pas revenir non plus, le Roi, ainsi que ses courtisans et tous ses sujets, sombrèrent dans une grande consternation. Mais au milieu du silence désolé, une petite voix s’éleva :

– J’irai, votre Majesté et je reviendrai victorieux !

 

Le Roi et sa cour se retournèrent pour voir d’où provenait la voix. Et découvrirent, au milieu de la foule, un jeune homme qui tenait son chapeau à la main.

– J’irai, votre Majesté ! répéta-t-il.

 

Le Roi faillit lui dire :

– Pas d’enfantillages, jeune homme, si mes trois plus vaillants chevaliers ont échoué dans la quête, comment peux-tu penser que tu seras victorieux ? mais il se rendit soudain compte qu’il n’avait rien à perdre, vu le caractère désespéré de la situation.

– Très bien, jeune homme, à Dieu va !

 

Le jeune homme partit et emprunta le sentier de la montagne. Il atteignit bientôt l’endroit où l’horrible harpie montait la garde.

 

– Si tu souhaites passer, jeune homme, tu dois m’embrasse ! grinça-t-telle.

Le jeune homme ouvrit grand ses bras et répondit sans hésiter :

– Non seulement vais-je te donner un baiser, mais je vais aussi te prendre dans mes bras !

 

Et sur ces mots, il enlaça tendrement la harpie hideuse pour l’embrasser sur la bouche. La sorcière se transforma alors instantanément en la plus jolie princesse jamais contemplée par des yeux humains.

 

 

– Tu es maintenant le Roi de Quoi qu’il advienne !” dit-elle en indiquant d’un geste les terres qui s’étendaient en-dessous, et si tu veux de moi, je serai à jamais ta Reine.

 

Sur ces mots, l’heureux couple retourna auprès du vieux Roi, après avoir alimenté le royaume en eau. Le Souverain faillit mourir de joie en voyant sa fille – elle avait disparu depuis qu’une sorcière l’avait transformée en vielle harpie alors qu’elle était bébé. Le Roi donna immédiatement son consentement à leur union et fit d’eux le Roi et la Reine de ses terres.

 

Les morales de cette petite histoire sont nombreuses, mais une seule nous concerne ici : dès que l’on accepte la réalité, aussi laide puisse-t-elle paraître, dès qu’on l’accepte et qu’on la prend dans ses bras, elle se transforme immédiatement en quelque chose d’une grande beauté et d’une grande générosité, et l’on devient Roi, ou Reine, de Quoi qu’il advienne. 

                         

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